Avec le 100ème anniversaire des 24 Heures, on pense automatiquement au recordman au niveau du nombre de victoires ! Avant la deuxième guerre mondiale, il y a eu le hat-trick de Attilio Marinoni , mais c’est dans l’ère moderne que Hans Heyer est devenu le premier recordman avec trois victoires consécutives en 1982, 1983 et 1984. Durant les deux période ‘Touring Car’ – 1964-1988 et 1989-2000 – c’était Thierry Tassin et Jean-Michel Martin qui battaient le record avec quatre victoires chacun, mais Eric van de Poele faisait mieux avec deux victoires ‘tourisme’ et trois durant les années GT, de quoi en faire le recordman absolu.
Les autres ? Dieter Quester, Roberto Ravaglia, chacun trois fois, comme Marc Duez (avec la troisième en 2001), Michael Bartels – trois fois ensemble avec Eric VDP! -, et Philipp Eng, avec aussi trois victoires en GT. Et Pierre Dieudonné alors ? Non. Il n’a vraiment gagné qu’une seule fois…
C’est vrai que Wikipedia signale toujours le nom de Dieudonné à côté de ceux de Xhenceval-Peltier (1974) et Xhenceval-de Fierlant (1975). Or, Pierre n’a pas piloté en course les voitures victorieuses de ces deux éditions de la classique spadoise où son unique résultat ’’effectif’’ au sein du Luigi Racing est la 10ème place en 1974 avec Hughes de Fierlant et Marc Demol ; l’année suivante en effet, il est arrivé au circuit – de retour de Grande-Bretagne où il s’était aligné en F3 – juste après le dramatique accident ayant éliminé la BMW d’Alain Peltier et Marc Demol.
Jusqu’en ’84, le RACB, alors encore organisateur des 24 Heures, reprenait toujours son nom sur le palmarès. Pourtant, quand en 1981 Pierre s’est imposé avec Tom Walkinshaw sur la Mazda RX-7, il n’a pas manqué de préciser à la presse que c’était sa première victoire! En effet, afin d’être qualifié en tant que… réserviste, il figurait bien sur les listes de départ en ‘74 et ’75; mais après l’arrivée, l’organisateur a chaque fois oublié de zapper son nom comme 3ème pilote! Heureusement, déjà en ’81, les quotidiens puis plus tard les magazines spécialisés ont donc bien évoqué la première victoire de Dieudonné en précisant cette erreur dans les classements.
Sept ans plus tard pourtant, quand Jean-Michel Martin pouvait devenir recordman après ses succès en ‘79, ‘80 et ‘87, certains medias moins spécialisés citaient toujours Pierre Dieudonné (alors titulaire sur la Ford Sierra Cosworth Eggenberger) comme candidat lui aussi à un quatrième sacre! Lorsque j’ai commencé à travailler au RACB et que j’ai endossé le rôle de press officer des 24 Heures de Spa, je me suis empressé de corriger le palmarès en supprimant de nom de Pierre en ‘74 et ’75! Mais apparemment, ces deux « victoires » de Dieudonné avec Luigi continuent à semer des doutes, au point que même certains magazines de qualité les comptabilisent encore…
Certes, connaissant le fonctionnement des instances sportives, je sais qu’un seul classement fait foi : c’est celui qui est signé en bonne et due forme par les membres du Collège ! Donc, si en ’74 et ’75 le Collège a chaque fois signé un classement où le nom de Dieudonné apparaissait comme 3ème pilote, ce dernier a ‘’droit’’ à ces deux succès, même sans avoir touché le volant de la voiture lauréate ! Si les résultats publiés dans la presse de ces années-là reflètent le plus souvent le verdict exact, c’est seulement dans le palmarès des 24 Heures que l’organisateur – ou une sécretaire inattentive – a chaque fois repris la liste des pilotes qualifiés où Dieudonné figurait comme n°3.
Afin de clôturer définitivement les discussions, je cite Pierre Dieudonné, lui même, dans son Préface dans l’excellent livre ‘Luigi, une vie pour la course’: “Willy Braillard convainquit Luigi et Jean (Xhenceval) que ce n’était pas une mauvaise idée de prévoir un pilote de réserve en cas de course difficile et j’acceptait de tenir ce rôle (en 1973, ndlr). Un piston troué avant même que Willy ne prenne le relais de Jean mit fin à l’aventure. Luigi me proposa un rôle identique l’année suivante sur les deux coupés 3.0 CSi aux couleur Molykote, ce qui me permit de contribuer à la 10ème place obtenue par l’exemplaire confié à Hughes de Fierlant et Marc Demol. Le pli était pris: Luigi me rappela de nouveau l’année suivante…”
Autre cas interpellant, celui de Dirk Vermeersch. Invité aux 24 Heures 1977 à partager une BMW 530 iUS Juma avec Eddy Joosen et Jean-Claude Andruet. Dirk s’était bien qualifié durant les essais ; mais comme il n’a pas pris le volant en course, seul l’équipage Joosen-Andruet figurait à la 1ère place de la hiérarchie finale. Par contre en ’81, Dirk a bien pris le volant de la BMW Juma #10 en course – il était même 2ème pilote dans ce même équipage – mais à cause d’une sombre histoire, il n’a plus été autorisé à relayer Eddy et Jean-Claude dès le petit matin… et son nom a été supprimé du classement officiel. Sur le net toutefois, on retrouve quand même des classements reprenant à la 2ème place le trio Joosen-Vermeersch-Andruet…