Sur de nombreuses pages de Wikipedia, il est écrit que la première édition des 24 Heures de Zolder a été disputée en 1976, voire même en 1983, mais c’est bien en 1977 qu’une cinquantaine de voitures se présentait au départ, et que 35 concurrents atteignaient l’arrivée, avec au sommet du classement l’Autobianchi A112 Abarth de Baudouin Corbiau-Rudy Frahm-Dirk Vermeersch, qui ne comptait pas moins de 23 tours en plus que la Toyota de Salvo-Simon-De Bilde. C’est précisément parce qu’une voiture plus petite, moins rapide, mais plus fiable et surtout accessible financièrement, avait de réelles chances de succès que toujours plus de concurrents de Rétrorganisation allaient passer du sprint à l’endurance…
La stratégie, tel était le mot clef dans les rangs de Baudouin ‘Corzy’ Corbiau : avec un réservoir de 30 litres, il parvenait à ne ravitailler que toutes les trois heures, tandis que les (rapides) concurrentes déboulaient toutes les heures dans l’allée des stands, perdant systématiquement deux tours sur la futur lauréate frappée du #92 !
L’engagement de plus petites voitures avait déjà été la clef du succès des 6 Heures de Zolder aux accents anversois, lors desquelles, avant même le départ, des tours de bonifications étaient attribués aux concurrents alignant les plus petits bolides. Les voitures plus rapides telles que les BMW et les Porsche devaient dès lors parfois capituler face à une NSU TT, une Mini Cooper, une Fiat 128 Coupé ou plus tard une Autobianchi A112. C’est lors de la période faste de la course de 6 heures, mais aussi de rallyes BASC, que Baudouin Corbiau allait se distinguer dans ce qu’on appelait des ‘courses pirates’ (les compétitions provinciales, disons régionales, n’existaient pas encore). D’abord avec une Porsche, ensuite avec une Mini et une Fiat 128, avant de faire connaissance, en tant que distributeur Citroën, avec l’Autobianchi A112 (voiture distribuée par le réseau Citroën en Belgique).
L’Autobianchi était à bien des égards la version italienne de la Mini, populaire dans les années ’60, et dès son apparition en ’71, elle allait faire de l’ombre à sa concurrente britannique. Mon frère, mon beau-frère, ma belle-sœur et plus tard moi-même allions rouler avec une A112 ‘normale’. Le fan de Mini Rudy Frahm, père de qui vous savez, passait lui aussi dans les rangs italiens, transformant une A112 personnelle en une vraie A112 de course. Chaque fois que Frahm se présentait au départ avec sa bombinette lors d’un slalom ou d’une course sur circuit (souvent accompagné d’Yves Mittler), nous étions pétris d’admiration, et nous ne cessions d’observer cette A112. A tel point qu’en tant que modéliste débutant, j’avais recréé l’A112 Castrol GTX de Framy sur une base Solido !
Comme pour la Mini, de nombreux préparateurs allaient se sentir attirés par la prise en main de cette Mini à l’italienne. Il y avait bien sûr Abarth, et plus près de nous Chadil (de Charles/Dilbeek), et Leo Weyten, de Berchem, jusqu’alors spécialisé dans les Mini. Mon frère a pris contact avec lui, et via Weyten, il a rencontré Rudy Frahm. Pour pouvoir rouler au niveau national, il fallait être membre d’un club automobile reconnu à l’échelon national, raison pour laquelle il s’est inscrit à l’Autoclub Excelsior. En tant que frère, j’ai ainsi pu faire connaissance avec la crème du sport auto anversois, ou plutôt belge !
Le succès des Autobianchi Corzy allait inciter d’autres pilotes à faire appel aux services de Baudouin Corbiau. On pense ici aux frères Mous, Jef Van Mechelen – toujours actif de nos jours -, tandis qu’un certain Herman Adriaenssens, le papa de Jimmy, venait mettre la main à la pâte durant les week-ends en tant que mécanicien de l’A112 Abarth rouge.
Parce que mon frère était déjà occupé avec l’affaire familiale dans le secteur de la bijouterie, il n’y eut pas de suite à l’aventure sur circuit, et c’est seulement en ’78 qu’il répondait à la demande de Corbiau pour partager une deuxième A112 avec Mauriën et Gilaude lors des 24 Heures de Zolder, aux côtés du trio lauréat en 1977, Corbiau-Frahm-Vermeersch. Inspiré par ce que j’avais lu (et surtout vu) lors de présentations de presse, j’amenais les deux voitures et les six pilotes à Deurne, sur le parking du garage Corzy, pour une photo de presse, qui allait être publiée par la Gazet van Antwerpen dans un article sur les 24 Heures de Zolder !
Les hommes forts de Corzy allaient cette fois être contraints assez tôt à l’abandon, ce qui permettait à Mauriën-Toucheur-Gilaude d’entamer la partie finale contre la BMW 2002 future lauréate de Hoebeke-Hoebeke-Vandenbroeck et l’Alfa de Boucher-Langenscheid. En ’79, Corbiau-Gilaude-Frahm allaient se battre jusqu’au bout pour le Top 3 contre les mêmes Hoebeke-Bertrand, avec cette fois Boucher comme troisième homme sur la BMW 2002 PHP, et la Volvo de la famille Lalmand. Au bout du compte, l’A112 Corzy prenait la deuxième place, à dix tours de la BMW. Pas de doute, le règne de l’A112 dans la lutte pour le podium était bel et bien terminé.
En ’80, Mous-Mous-Adriaenssens était impliqué avec l’A112 Corzy dans un incident avec la Ford de Vanierschot, et la même année Rudy Frahm échangeait l’A112 contre une belle et très rapide VW Polo, qu’il partageait avec le champion de slalom Minnebo, et – et oui ! – Dirk Vermeersch ! Le même trio apparaissait en ’82 au départ avec une Porsche 944 quasiment de série – en fait la voiture de madame Frahm – et il luttait tout un temps pour la victoire. L’homme qui accompagnait cette 944 rouge dans la pitlane n’était autre que Baudouin Corbiau !
D’Alessandro Zanardi, nous avons appris entre-temps que les BMW qu’il pilotait étaient intégralement adaptées par les techniciens de BMW Motorsport, mais dans les années ’70, Baudouin Corbiau, qui, enfant, avait été paralysé des deux jambes par la polio, a développé tout seul un système avec des leviers pour freiner et accélérer… et aussi gagner ! Mû par la même passion, Baudouin est ensuite devenu pendant tout un temps un coach de choix en karting pour ses fils Philippe et Alain. Un des concurrents des frères Corbiau s’appelait Karl Frahm, de quoi raviver la rivalité d’antan entre les deux paternels ex-pilotes. Il faut savoir que Baudouin Corbiau et Rudy Frahm, par ailleurs anciens camarades de classe, ne sont pas directement devenus équipiers au volant de l’Autobianchi Corzy rouge, et sur la piste, ils ‘se trouvaient’ souvent, avec en guise de point d’orgue un incident dont on a beaucoup parlé au Jacky Ickx lors des 6 Heures de Zolder. C’est seulement plus tard que Corbiau mettait un terme à sa collaboration avec son équipier attitré Bruno Van Mieghem, et qu’il allait faire appel aux services de Frahm père, dont le beau-frère Willy allait être à la base, dans les années ’90, de la venue de Jean-Pierre Van Rossem en tant que premier sponsor (Eurotoy) de Karl Frahm en Formule Ford…
Après une troisième place au championnat du monde de karting, Alain optait en ’91 pour la Formula Vauxhall britannique, mais une bonne dose de malchance et un manque de moyens financiers l’obligeaient à jeter le gant de manière précoce. Beaucoup plus tard, le frère Philippe allait prendre part à des courses du Belcar en Porsche. La garage Corzy fut repris en ’91, et il existe toujours dans la même rue, à la même place. ‘Body’ succomba en ’94 à une pneumonie. L’A112 Corzy peut toujours être admirée chez Philippe Corbiau. Pendant un certain temps, elle a couru en historique, et il y a quelque temps, Alain Corbiau a piloté le bolide rouge dans le cadre des 24 Heures de Zolder.
Une chose est sûre : la création des 24 Heures de Zolder en 1977 est liée à l’impossibilité d’organiser une vraie course de 24 heures sur le Circuit de Nivelles, entre-temps disparu, et non parce que les activités à cet endroit allaient s’arrêter (jusqu’à 1979, des courses y ont encore été organisées, entrant en ligne de compte pour le championnat de Belgique).
En raison d’une absence d’autorisation pour rouler de nuit sur la piste du Brabant wallon, Philippe De Leener a encore organisé une course de 2 x 8 heures en ’76, mais une épreuve de 24 heures ‘à la Francorchamps’ était plus parlante. En tant que journaliste automobile bien informé, De Leener était au courant d’une autorisation à l’occasion d’une étape nocturne du Tour de Belgique organisée sur le Circuit de Zolder. En ’74, le dernier Tour de Belgique a été mis sur pied – remporté par Jean-Marie ‘Didi’ Cols et Lopes, tandis que Darimont-Nijs et Plas-Maes se battaient pour le titre belge – et De Leener apprenait trois ans plus tard que cette autorisation était toujours d’actualité, ce qui permettait de rouler également de nuit. Il fut ainsi possible, le week-end des 6 et 7 août 1977, d’organiser les toutes premières 24 Heures de Zolder !